Laterna Magica change de peau

février 23, 2011

Laterna Magica migre vers une nouvelle destination. Retrouvez désormais le blog à cette adresse : http://www.laterna-magica.fr/blog/

Dans sa nouvelle version, Laterna Magica proposera une navigation bien plus intuitive et agréable. Le transfert du contenu est en cours mais prendra un peu de temps. Les archives resteront alors consultables pendant quelque temps ici. Mais les nouveaux articles seront désormais postés sur le nouveau blog 🙂

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En vous remerciant pour votre fidélité,

 

Benoît Thevenin


Best of 2010 : le classement des lecteurs de Laterna Magica

janvier 18, 2011

Cette année, 41 personnes ont participé à la consultation lancée ici il y a tout juste un mois afin de désigner les films préférés des lecteurs de Laterna Magica en 2010. Il convient d’abord de vous remercier tous.

Vos votes ont été un plébiscites en faveur de The Social Network, le dernier bijoux de David Fincher, lequel est apparu dans pas moins de 21 des 41 votes reçus et souvent à La ou dans les premières places.  Il n’y a en quelques sortes pas eu de suspens. C’est la seconde fois que David Fincher remporte l’adhésion des lecteurs de ce blog puisqu’en 2007 déjà, Zodiac était choisi par vous comme le meilleur film de l’année.

La lutte a en revanche été beaucoup plus serrée entre Shutter Island (2)e et Kaboom (3e), mais pour un podium 100% états-unien. On note la belle 4e place de Mother, que vous n’avez pas oublié et on vous comprend, malgré sa sortie à l’aube de l’année 2010.

Tournée de Mathieu Amalric (6e) est votre film français préféré ; Mystères de Lisbonne figure avec surprise  à une belle 13e place et le cinéma d’animation se hisse haut grâce aux génies quelques peu singulliers chacun de Pixar et Wes Anderson !

Au total 140 films ont été cités – dont 83 au moins deux fois –  et certains grands succès populaires n’ont pourtant pas reçu le moindre suffrage (Les Petits mouchoirs par exemple)

Mais trêve de bavardage, voici le classement. Encore merci à tous les participants et nos meilleurs voeux cinéphiles pour cette nouvelle année ! Elle commence sous les meilleurs auspices d’ailleurs si vous avez déjà découvert Incendies de Denis Villeneuve…

B.T

Le Classement


1. The Social Network de David Fincher : 4032 points (21 citations)

2. Shutter Island de  Martin Scorsese : 2992 pts (17 cit.)

3. Kaboom de Gregg Araki : 2384 pts (16 cit.)

4. Mother de Bong Joon-ho : 1750 pts (14 cit.)

5. Inception de Christopher Nolan : 1368 pts (12 cit.)

6. Tournée de Mathieu Amalric : 1116 pts (12 cit.)

7. Les Amours imaginaires de Xavier Dolan : 1078 (11 cit.)

8. Fantastic Mr Fox de Wes Anderson : 1070 pts (10 cit.)

8. Oncle Boonmee de Apichatpong Weerasethakul : 1070 pts (10 cit.)

10. Toy Story 3 de Lee Unkrich : 1008 pts (12 cit.)

11. Bright Star de Jane Campion : 954 pts (9 cit.)

12. A Single Man de Tom Ford : 864 pts (9 cit.)

13. Mysteres de Libonne de Raoul Ruiz : 792 pts (8 cit.)

13. A Serious Man de Joel et Ethan Coen : 670 pts (10 cit.)

14. Scott Pilgrim de Edgar Wright : 666 pts (9 cit.)

15. Enter the void de Gaspar Noé : 656 pts (8 cit.)

16. Des Hommes et des dieux de Xavier Beauvois : 632 pts (8 cit.)

17. The Ghost-writer de Roman Polanski : 544 pts (8 cit.)

18. Le Guerrier silencieux de Nicolas Winding Refn : 488 pts (8 cit.)

19. Mammuth de Gustave Kervern et Benoît Delépine : 416 pts (8 cit.)

Suivent : 20. Dans ses yeux et Kick-Ass (392 pts, 7 cit.) ; 22. I Love you Phillip Morris (276 pts, 6 cit.) ; 23. Vénus Noire (273 pts, 7 cit.) ; 24. Copie conforme (264 pts, 6 cit.), 25. Soul Kitchen (230 pts, 5 cit.) ; 26. Dog Pound (225 pts, 5 cit.), 27. Poetry (205 pts, 5 cit.) ; 28. Green Zone (190 pts, 5 cit.), 29. Dragons (170 pts, 5 cit.) ; 30. Film Socialisme (160 pts, 4 cit.) ; 31. Potiche (130 pts, 5 cit.) ; 32. Amer (120 pts, 4 cit.) ; 33. Mourir comme un homme (114 pts, 3 cit.) ; 34. Lola (112 pts, 4 cit.) ; 35. Amore et Le Quatro Volte : (99 pts, 3 cit.)

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PALMARES DES LECTEURS DE LATERNA MAGICA :

2010 : The Social Network de David Fincher

2009. Un Prophète de Jacques Audiard (le classement intégral)

2008. There will be blood de Paul Thomas Anderson (le classement intégral)

2007. Zodiac de David Fincher (le classement intégral)

2006. Volver de Pedro Almodovar (le classement intégral)

2005. Million Dollar Baby de Clint Eastwood (le classement intégral)


Le classement a été établit de cette manière : 15 pts pour le 1er, 14 pour le 2nd etc. 5 pts ont été attribués par défaut à chaque film lorsqu’une sélection ne présentait pas un classement par ordre de préférence. Le total des points a ensuite été multiplié par un coefficient correspondant au nombre de citations obtenues pour chaque film.



Après Béjart, le coeur et le courage d’Arantxa Aguirre

janvier 6, 2011

Quelques semaines après « Les rêves dansants », à propos de la dernière création de Pina Bausch, « Après Béjart » rend un hommage complet à Maurice Béjart, autre grande figure de la chorégraphie de ballet récemment disparue. Le film regarde aussi vers l’avenir à travers le travail actuel de Gil Roman successeur de Béjart au Béjart Ballet de Lausanne.

Quand dans un domaine bien particulier, une grande personnalité cède sa place, disparait pour mieux rentrer dans les livres d’Histoire, la question de la succession et de l’héritage, de la persistance de la mémoire, du maintient d’une méthode, de la survie d’un art précis se pose délicatement.

Maurice Béjart, un des chorégraphes les plus connus du grand public, est décédé à l’automne 2007 à l’âge de 80 ans. Les dernières années de sa vie, il oeuvrait au sein du Béjart Ballet de Lausanne et dirigeait une compagnie qui s’est soudain sentie orpheline au moment de sa mort. Icône, Béjart était profondément respecté et admiré. Le chorégraphe aura inspiré de nombreuses vocations, notamment parmis les danseurs de la compagnie qu’il a dirigé et qui témoignent dans ce documentaire.

Le film de Arantxa Aguirre se découpe en deux parties égales en durée et clairement distinctes. La première vise à rendre un hommage plein et entier à Maurice Béjart. Danseurs, collaborateurs, tous témoignent de leur respect envers Béjart, de son apport à la danse, de son courage et de son caractère visionnaire. Aucune note ne vient ternir le portrait. Des images d’archives se mêlent aux témoignages, qui montrent surtout quelques extraits des créations de Béjart, et jamais dans son intimité ou au travail.

Gil Roman, danseur qui a oeuvré sous la direction de Béjart, est celui qui a pris la succession du maître. Lui même raconte de façon appuyée tout ce que Béjart lui a apporté et inspiré.
Une citation de Béjart, qui évoque sa totale confiance en Gil Roman, son absolue certitude qu’il est celui qui saura le mieux prendre sa suite, vient scinder le film en deux.

La seconde partie se déroule alors dans un esprit très différent. On évoquera moins Béjart, seul son ombre plane inévitablement. Il s’agit maintenant de travail, de l’oeuvre quotidienne des danseurs et de leur nouveau chorégraphe. La difficulté et la fragilité de la création s’impose à tous, notamment à nous spectateurs. Doutes, peur et frustrations émaillent le récit de se labeur répétitif, exigeant, et fascinant.

Après Béjart sort quelques semaines après les formidables Rêves dansants de Pina Bausch, la chorégraphe allemande également récemment disparue, en juin 2009. Les deux documentaires ne se ressemblent pas, n’ont que le ballet en point commun, l’esprit du travail aussi. Les Rêves dansants évoquait plutôt le ballet comme une école de la vie ; Après Béjart vise plutôt à l’hommage complet envers Béjart et son successeur Gil Roman. Le film d’Arantxa Aguirre n’a pas le même élan ni la la même fougue que celui d’Anne Linsel, mais n’en demeure pas moins un document intéressant et appréciable, et qui n’est pas réservé qu’aux afficionados de l’art du ballet. C’est un regard différent qui est proposé sur les coulisses des plus prestigieux ballets, et on y voit finalement un bon complément à ce que Les Rêves dansants évoquait de passion et de dur labeur.

Benoît Thevenin

Ballet et cinéma (filmographie sélective) :

1948 : Les Chaussons rouges de Michael Powell et Emeric Pressburger
1983 : Un jour Pina a demandé… de Chantal Akerman (doc)
1989 : La Plainte de l’impératrice de Pina Bausch
1993 : Coffee with Pina de Lee Yanor (doc)
2001 : Parle avec elle de Pedro Almodovar
2009 : La Danse, le ballet de l’Opéra de Paris de Frederick Wiseman (doc)
2010 : Les Rêves dansants d’Anne Linsel (doc)
2011 : Black Swan de Darren Aronofsky
2011 : Pina de Wim Wenders


Après Béjart, le coeur et le courage – Note pour ce film :
Réalisé par Arantxa Aguirre
Avec la participation de Gil Roman, Julio Arozarena, Elisabet Ros, Julian Favreau, Claude Bessy, Michaël Denard, Michel Gascard, Maina Gielgud, Brigitte Lefevre, Schonack Mirk, Azari Plissetsky, Jacqueline Rayet, …
Année de production : 2010

Sortie française le 19 janvier 2011



Décès de l’acteur anglais Pete Postlethwaite (16/02/1946 – 02/01/2011)

janvier 3, 2011

 

 

Inoubliable dans « Au Nom du père » ou « Les Virtuoses » comme dans « Usual Suspects » où il incarnait un personnage sans nom, l’acteur anglais Pete Postlethwaite nous quitte à l’âge 64.

Eternel second rôle, Pete Postlethwaite incarne en 1993 le personnage de Giuseppe Conlon, papa de Gerry (Daniel Day Lewis) dans Au Nom du père, sans doute le meilleur film de Jim Sheridan en date. Le métrage reçoit l’Ours d’Or à Berlin et totalisera ensuite 7 nominations aux Oscars en 1994, dont celle du Meilleur acteur dans un second rôle pour Pete Postlethwaite. L’académie lui préférera Tommy Lee Jones (Le Fugitif), mais Postlethwaite accède enfin à la reconnaissance.

L’acteur, formé sur les planches de la Royal Shakespeare Company, débute au cinéma sous la direction du jeune Ridley Scott dans un court rôle dans Les Duellistes (1977) et connaît une première fois le succès avec la chronique familiale Distant Voices de Terrence Davies (1988), incarnant le père dans une famille ouvrière dans le Liverpool des années 50.

 

 

Il tourne une première fois aux côtés de Daniel Day Lewis dans Le Dernier des Mohicans de Michael Mann (1992), dans lequel il joue un capitaine anglais, et participe la même année au casting de Aliens 3 de David Fincher.

En 1993, c’est la consécration avec Au nom du père. Il enchaîne ensuite avec l’embématique personnage de l’avocat dans Usual Suspects (Bryan Singer, 1994), bras droit de Keyser Söze mais personnage sans nom puisque Kobayashi n’est en fait que la marque d’une fameuse tasse de café…

Les Virtuoses de Mark Herman, en 1996, lui offre de nouveau l’opportunité d’un premier rôle, celui d’un modeste chef d’orchestre dont fait partie notamment Ewan McGreggor. Le film est le succès suprise de l’année et obtient quelques récompenses (Baftas, César du meilleur film étranger etc.). Les Géants (Sam Miller, 1998) marquera sa dernière apparition marquante en tête d’affiche.

 

 

Abonné surtout aux seconds rôles, on se souvient de lui, d’abord, en prêtre tatoué dans Romeo + Juliette de Baz Lurhman (1996), ou encore chez Spielberg (Amistad, Le Monde perdu en 1997). On le retrouve aussi en rédacteur en chef de Kevin Spacey, son partenaire dans Usual Suspects, dans Terre Neuve de Lasse  Hallström (2002).

Plus dernièrement, Pete Postlethwaite s’était rappelé à nous dans Le Choc des Titans (Louis Leterrier), The Town (Ben Affleck), mais aussi Inception (Christopher Nolan).

L’acteur disparait des suites d’un cancer à l’âge de 64 ans et laisse derrière lui une épouse, et deux enfants.

B.T


Les meilleurs films de 2010 selon Laterna Magica

décembre 17, 2010

Cette année 2010 a été particulièrement creuse pour Laterna Magica, avare en publication, en panne, mais qui à l’occasion de ce bilan de l’an cinématographique écoulé reprend de l’élan, enfin, et va poursuivre sa mission de transmission des émotions cinéphiles.

Contrairement à une idée apparemment répandue, 2010 n’a sinon pas été une année creuse pour le cinéma. On a vu des films fantastiques et tous ne tiennent malheureusement pas dans un top 15.

Le premier trimestre nous a livré des films impressionnants et souvent très différents les uns des autres, de Ghost Writer à Lebanon, de Bright Star à Fantastic Mr Fox. Décembre regorge aussi d’oeuvres marquantes, qu’il est urgent de découvrir malgré, pour quelques uns, comme Le Quatro Volte, Mardi après Noël ou Sound of noise, le peu de publicité. Faites nous confiance, découvrez les vite, ils finiront peut-être en bonne place dans vos propres classements.

Car comme tous les ans, Laterna Magica vous invite à faire parvenir vos préférences pour 2010, vos Top 15 (maximum) afin d’établir d’ici quelques semaines le Classement des lecteurs de Laterna Magica.

Vous pouvez faire parvenir vos classements par mail jusqu’au 16 janvier dernier délais à cette adresse laternamagica@hotmail.fr ; ou alors en commentaire de ce billet consacré.

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Le Classement 2010 de Laterna Magica

 

Hors Concours : Love Explosure de Sono Sion, découvert en festival mais inédit en salle. Un film hors norme et monumental pourtant. Plus grand souvenir de 2010.

1. Enter the void de Gaspar Noé
2. Le Quatro Volte de Michelangelo Frammartino
3. Oncle Boonmee de Apichatpong Weerasethakul
4. The Ghost Writer de Roman Polanski
5. Shutter Island de Martin Scorsese
6. White Material de Claire Denis
7. Fantastic Mr Fox de Wes Anderson
8. Mother de Bong Joon-ho
9. Copie Conforme d’Abbas Kiarostami
10. Tournée de Mathieu Amalric
11. Mystères de Lisbonne de Raoul Ruiz
12. The Social Network de David Fincher
13. Des Hommes et des Dieux de Xavier Beauvois
14. Policier, Adjectif de Corneliu Porumboiu
15. Mardi après Noël de Radu Muntean

Mention spéciale : Inside Job de Charles Ferguson, documentaire indispensable et essentiel pour comprendre la crise qui régente le monde actuel.

Coup de Coeur personnel pour Les Amours Imaginaires de Xavier Dolan


Décès du réalisateur français Claude Chabrol (24/06/1930 – 12/09/2010)

septembre 12, 2010

Nous apprenons ce dimanche 12 septembre la disparition du cinéaste français Claude Chabrol à l’âge de 80 ans.

Figure paternaliste du cinéma français, auteur selon un relatif équilibre d’autant de films sophistiqués que de navets improbables, Claude Chabrol restera comme l’une des principales figures de la Nouvelle Vague.  Son décès survient la même année que celui de Eric Rohmer – avec qui il a écrit un livre sur Hitchcock en 1957 –  et c’est bien tout une époque qui se range peu à peu des affaires et se réfugie dans nos souvenirs, à jamais impérissables car les films eux resteront.

Pour celui qui n’a pas encore attaqué l’oeuvre de Claude Chabrol, le chantier est immense. Le cinéaste lègue une oeuvre pléthorique de près de 60 films de cinéma, sortis à un rythme régulier et continu depuis ses débuts en 1959 avec Le Beau Serge. Fasciné par la télévision, il a aussi largement ouvré pour ce format là, avec une vingtaine de téléfilms réalisés, dont plusieurs adaptations de Maupassant ces dernières années pour France 2.

Adorateur de Lang et Hitchcock notamment, Claude Chabrol aura largement participé à la découverte des cinémas de ces génies du Septième Art. Comme quelques uns de ses confrères de la Nouvelle Vague (Truffaut, Rivette etc.), Chabrol s’est d’abord illustré en temps que critique dans les Cahiers du Cinéma, la revue chère à André Bazin et Jacques Doniol Valcroze. Chabrol y défend ardemment la politique des auteurs et participe à l’importation et surtout à la considération cinéphile de tout un pan du cinéma hollywoodien.

Claude Chabrol aura été, c’est une certitude, le personnage central de tout le cinéma français des cinquante dernières années. Ils sont peu, sinon Depardieu avec qui il a tourné bien sûr (mais il aura pour cela fallu attendre son tout dernier film en 2009, Bellamy),  à avoir eu cette faculté à réunir autour d’une même table toutes les familles du cinéma français, celle élitiste de la cinéphilie parisienne aussi bien que la famille d’un cinéma plus franchouillard et populaire comme la France sait en produire beaucoup également.

La bonne table, certains la regretteront sans doute d’ailleurs, car on mangeait bien sur les tournages de Claude Chabrol, et cela fait partie de sa légende, si l’on puisse déjà user de ce terme. Mais Chabrol restera avant tout pour ses films, souvent pas moins délicieux. Le cinéaste aura sondé tout au long de sa carrière, avec acuité, cynisme, ironie, mais aussi une véritable tendresse, les petites manies perverses des uns et des autres, sa cible privilégiée demeurant le fameux notable de province, manipulateur, malsain et dangereux, et personnage emblématique du cinéma de Chabrol.

Chabrol aura noué quelques relations privilégiées, avec Stéphane Audran d’abord, son épouse pendant quinze ans (de 1964 à 1980), et la maman de son fils Thomas (né en 1963). La période est l’une des plus fructueuses de la carrière du cinéaste. Il dirige Stéphane Audran entre autre dans Les Bonnes Femmes (1960), Les Godelureaux (61), Landru (63), Les Biches (68), La Femme Infidèle (69), Le Boucher (70) , ou encore, après leur divorce, dans Poulet au vinaigre en 85 et Betty en 92.

Avec Isabelle Huppert, Chabrol tisse une relation différente mais pas moins complice, ou en tout cas pas moins prolifique. Le réalisateur lui confie dès 1978 le rôle un brin pervers de la meurtrière Violette Nozière dans le film éponyme. Il est le premier cinéaste probablement à avoir distingué chez l’actrice un potentiel pour les rôles troubles largement exploité depuis, et notamment par Chabrol lui même. Isabelle Huppert tourne sous sa direction dans Une Affaire de femmes (1988), obtient le rôle d’Emma Bovary dans la sublime adaptation de Madame Bovary de Flaubert en 91, joue également dans La Cérémonie (94), Rien ne va plus (97) ou encore Merci pour le chocolat (2000). C’est à elle aussi qu’il confie le personnage quelque peu controversé de Jeanne Charmant-Killman dans L’Ivresse du pouvoir (2007), variation autour de l’Affaire Elf que la juge Eva Joly instruisa.

Acteur à l’occasion, Claude Chabrol avait été vu en début d’année dans Gainsbourg (Vie héroïque) de Joann Sfar, dans une scène assez savoureuse dans laquelle il jouait le producteur de Gainsbourg.

La disparition quelques mois plus tard de Chabrol est pour nous complètement inattendue et représente un vrai choc. Il est une personnalité qui va manquer terriblement au cinéma français, pas seulement pour les films qu’il ne fera plus, quoi que les derniers ont été très inégaux, mais aussi parce qu’il avait un certain franc-parlé, une gouaille, un enthousiasme débordant et un amour du cinéma jamais nié. Merci pour tout Claude, pas que pour le chocolat, et repose en paix maintenant.

Benoît Thevenin

Filmographie cinéma de Claude Chabrol :

1959 : Le Beau Serge
1959 : Les Cousins
1959 : À double tour
1960 : Les Bonnes Femmes
1961 : Les Godelureaux
1962 : Les Sept Péchés capitaux (sketch)
1962 : L’Œil du Malin
1963 : Ophelia
1963 : Landru
1964 : L’Homme qui vendit la Tour Eiffel (sketch)
1964 : Le Tigre aime la chair fraîche
1965 : Paris vu par… (sketch)
1965 : Marie-Chantal contre docteur Kha
1965 : Le Tigre se parfume à la dynamite
1966 : La Ligne de démarcation
1967 : Le Scandale
1967 : La Route de Corinthe
1968 : Les Biches
1969 : La Femme infidèle
1969 : Que la bête meure
1970 : Le Boucher
1970 : La Rupture
1971 : Juste avant la nuit
1971 : La Décade prodigieuse
1972 : Docteur Popaul
1973 : Les Noces rouges
1974 : Nada
1975 : Une partie de plaisir
1975 : Les Innocents aux mains sales
1976 : Les Magiciens
1976 : Folies bourgeoises
1977 : Alice ou la Dernière Fugue
1978 : Les Liens de sang
1978 : Violette Nozière
1980 : Le Cheval d’orgueil
1982 : Les Fantômes du chapelier
1984 : Le Sang des autres
1985 : Poulet au vinaigre
1986 : Inspecteur Lavardin
1987 : Masques
1988 : Le Cri du hibou
1989 : Une Affaire de femmes
1990 : Jours tranquilles à Clichy
1990 : Docteur M
1991 : Madame Bovary
1992 : Betty
1993 : L’Œil de Vichy, une sélection des actualités du régime de Vichy
1994 : L’Enfer
1995 : La Cérémonie
1997 : Rien ne va plus
1999 : Au cœur du mensonge
2000 : Merci pour le chocolat
2002 : La Fleur du mal
2004 : La Demoiselle d’honneur
2006 : L’Ivresse du pouvoir
2007 : La fille coupée en deux
2008 : Bellamy


The Killer inside me de Michael Winterbottom

août 11, 2010

Réalisateur boulimique et inégal (quasi deux films par ans), Michael Winterbottom n’en est pas moins un réalisateur qui sans cesse attire notre curiosité. Quelques mois après son illustration de l’essai de Naomi Klein La Stratégie du choc, il nous revient avec un long-métrage purement fictionnel, adapté d’un roman noir de Jim Thompson, lequel à un temps collaboré avec Stanley Kubrick au début de la carrière du cinéaste, notamment pour le scénario de L’Ultime Razzia. (1956).

Thompson était un alcoolique notoire et son oeuvre aux confins de la folie pue la moiteur de la boisson et de la sueur, décrit des douleurs intérieures et des traumatismes. Kubrick avait songé adapter Un Démon dans ma peau mais se heurta à la réalité qu’aucun studio n’accepterait de financer un projet aussi sombre. Thompson, qui n’avait jamais écrit de scénario, était quand même choisit par Kubrick pour l’aider au scénario de L’Ultime Razzia, car Kubrick lui reconnaissait un talent particulier pour les dialogues.

Un Démon dans ma peau allait quand même être adapté une première fois en 1976 par Burt Kennedy. Le rôle du sheriff Lou Ford y était alors tenu par Stacey Keach. 35 ans plus tard, c’est Casey Affleck qui enfile l’habit de ce policier violent, rongé par la passion et la pulsion meurtrière qui gonfle en lui.

Le film de Winterbottom nous parvient précédé par la rumeur née dans un premier temps à Sundance puis à Berlin ou le film était présenté en compétition l’hiver dernier. On a entendu des comparaisons avec la violence d’un Irréversible (Gaspar Noé, 2000) par exemple, mais la vérité est que l’on en est loin. The Killer inside me n’est d’ailleurs interdit en France qu’au moins de douze ans.. Un signe qui ne trompe pas. La violence dans ce métrage est brutale, soudaine, et est plus à rapprocher de l’accès de rage du personnage joué par Joe Pesci dans Casino (Martin Scorsese, 1995) par exemple, quand il régle ses comptes de mafieux à coups de battes de base-ball.

La violence contenue par Lou Ford (Casey Affleck) n’émerge que dans deux seules séquences, marquantes certes, surtout qu’il ammoche salement le joli minois de Jessica Alba par exemple, mais pas non plus particulièrement choquante. Le caractère malsain du personnage et du film est bien plus insidieux et pervers.

Dès le générique d’ouverture, Michael Winterbottom nous fait rentrer dans un cadre troublé, dont on ne perçoit pas immédiatement tout ce qu’il renferme. Ainsi, Fever accompagne les crédits d’ouverture dans une version lancinante, si peu fièvreuse, mais qui distille déjà une étrangeté sinon un trouble. Tout le film se construit sur ce principe là, un faux rythme, une action étirée et qui traîne même. Il ne semble pas se passer grand chose en surface, alors même que l’horreur se déploie en coulisse, discrètement.

Michael Winterbottom cultive l’ambigüité quitte à chahuter peut-être les spectateurs. The Killer inside me est un film insaisissable ou presque, qui nous abandonne à une impression mitigée, un sentiment bizarre… Mais la fascination initiale s’estompe quand même assez vite.

Benoît Thevenin


The Killer inside me – Note pour ce film :

Réalisé par Michael Winterbottom
Avec Casey Affleck, Jessica Alba, Kate Hudson, Ned Beatty, Elias Koteas, Tom Bower, Simon Baker, Bill Pullman, Brent Briscoe, Matthew Maher, …
Année de production : 2009
Sortie française le 11 août 2010


Palmarès complet du 63e festival de Cannes

Mai 23, 2010

Cliquez sur les liens pour accéder aux critiques

Sélection officielle

Palme d’Or

Oncle Boonmee de Apichatpong Weerasethakul

Grand Prix

Des Hommes et des Dieux de Xavier Beauvois

Prix du Jury

Un Homme qui crie de Mahamat-Saleh Haroun

Prix d’interprétation masculine (ex-aequo)

Javier Bardem dans Biutiful de Alejandro Gonzalez Inarritu

Elio Germano dans La Nostra Vita de Daniele Luchetti

Prix d’interprétation féminine

Juliette Binoche dans Copie Conforme d’Abbas Kiarostami

Prix du scénario

Lee Chang-dong pour Poésie

Prix de la mise en scène

Mathieu Amalric pour Tournée

Caméra d’Or

Année Bissextile de Michael Rowe

Palme d’or du court-métrage

Chienne d’histoire de Serge Avédikian

Prix du jury court-métrage :

Micky Bader de  Frida Kempff

Prix du Jury Oecuménique

Des Hommes et des Dieux de Xavier Beauvois

Prix François Chalais

Le Secret de Chanda de Olivier Schmitz

Prix de la Jeunesse

Copie Conforme d’Abbas Kiarostami

Prix de l’Education Nationale

Des Hommes et des Dieux de Xavier Beauvois

Prix de la Critique Internationale – Prix FIPRESCI

Sélection officielle : Tournée de Mathieu Amalric
Un Certain regard : Adrienn Pal de Agnes Kocsis
Sections parallèles : Vous êtes tous des capitaines d’Oliver Laxe (Quinzaine)

Cinéfondation – 1er Prix

Taulukauppiaat (The Painting Sellers), de Juho Kuosmanen

Cinéfondation – 2e Prix

Coucou-les-nuages de Vincent Cardona

Cinéfondation – 3e Prix ex-aequo

Hinkerort Zorasune (The Fith Column) de Vatche Boulghourjian

Ja vec jesam sve ono sto zelim da imam (I Already Am Everything I Want to Have) de Dane Komljen

Semaine de la Critique

Grand Prix de la Semaine de la Critique

Armadillo de Janus Metz

Prix SACD

Bi, dung so! (Bi, don’t be afraid!) de Phan Dang Di

Prix ACID/CCAS

Bi, dung so! (Bi, don’t be afraid!) de Phan Dang Di

Grand Prix Canal + du Meilleur court-métrage

Berik de Daniel Joseph Borgman

Prix découverte Kodak du court-métrage

Deeper than yesterday de Ariel Kleiman

Prix de la toute Jeune Critique

Sound of Noise d’Ola Simonsson et Johannes Stjärne Nilsson

Prix Regard Jeune

Les amours imaginaires de Xavier Dolan

Un Certain regard

Prix Un Certain regard – Fondation Gan Groupama pour le cinéma

Hahaha de Hong Sangsooo

Prix du jury

Daniel et Diego Vega pour leur premier long métrage Octubre

Prix d’interprétation

Eva Bianco, Victoria Raposo et Adela Sanchez, dans Los Labios d’Ivan Fund et Santiago Loza

Quinzaine des réalisateurs

Art Cinema Award

Pieds nus sur les limaces de Fabienne Berthaud

Prix SACD

Illégal d’Olivier Masset-Depasse

Prix Europa Cinéma

Le quattro volte de Michelangelo Frammartino

Prix SFR du court-métrage (ex-aequo)

Cautare de Ionut Piturescu
Mary Last seen de Sean Durkin

Hors sections

Prix France Culture Cinéma

pour la comédienne-réalisatrice Ronit Elkabetz


Wall Street d’Oliver Stone

Mai 1, 2010

En plein coeur du second mandat de Ronald Reagan à la présidences des Etats-Unis, Oliver Stone réalise avec Wall Street (87) un ambitieux thriller financier par lequel il épingle les moeurs douteuses du libéralisme décomplexé naissant. Le film est symptomatique de l’âge d’or des Golden Boys, même si la charge est moins virulente et plus traditionnelle que celle imaginée par Bret Easton Ellis via son personnage de Patrick Bateman dans American Psycho, quelques années plus tard (1990). Gordon Gekko dans Wall Street est un méchant d’un tout autre ordre mais néanmoins très charismatique lui aussi. Le rôle vaudra d’ailleurs à Michael Douglas de multiples récompenses, dont l’Oscar du meilleur acteur en 87.

Oliver Stone accompagne la trajectoire de Bud Fox (Charlie Sheen), jeune et impétueux courtier en bourse, pressé d’atteindre les sommets et d’amasser les sommes les plus folles. Il n’hésite pas à vendre presque littéralement son père (incarné par Martin Sheen, le propre père de Charlie) pour se rapprocher de Gekko et devenir son poulain. Gekko lui enseigne vite les vices du métiers, les délits d’initiés dans lesquels il verse sans tabou pour capitaliser un maximum.

Malgré qu’il révèle les racines du mal, c’est à dire la crise financière qui plombe l’économie mondiale depuis plus d’un an, Wall Street est un film encore un peu naïf et qui ne permet pas de prendre exactement la mesure du système tentaculaire et cannibale de la bourse de New York qui commençait de s’élaborer en 87. Oliver Stone orchestre une intrigue simple, avec un héros certes pas au-delà de tout reproche mais qui finit par se racheter une conduite au bénéfice d’une prise de conscience tardive de ses actes. On est dans dans un schéma typiquement Hollywoodien et Wall Street démontre assez bien la nature pas si anarchiste de Stone, sa propension à rester dans le moule et à ne chahuter que gentiment ce qu’il prend pour cible.

Wall Street est d’abord efficace pour son esprit cynique et la relation complexe et manipulatrice qui se tisse entre Gordon Gekko et Bud Fox. C’est ce rapport là, central au film, qui permet à Wall Street de n’être pas complètement démodé aujourd’hui, malgré  le style très ancré dans les années 80 (la bande-son est même assez kitsch pour le coup) et les technologies très ringardes qui n’ont plus court. Preuve aussi que le film dépeint un monde qui a depuis largement évolué, Gordon Gekko parait bien minable à côté des Bernard Maddoff et dirigeants de quelques grandes banques dont les comportements sont enfin épinglés – un peu – aujourd’hui.
La justification d’une suite à Wall Street, par Oliver Stone toujours, et qui s’apprête à sortir dans quelques semaines, est alors toute naturelle.

Benoît Thevenin


Wall Street – Note pour ce film :

Réalisé par Oliver Stone
Avec Michael Douglas, Charlie Sheen, Daryl Hannah, John C. McGinley, Martin Sheen, Terence Stamp, James Spader, Hal Holbrook, Leslie Lyles, Frank Adonis, …
Année de production : 1987
Sortie française le 10 février 1988


Cannes 2010 – Complément de la sélection

avril 24, 2010

Une semaine après la conférence de presse au Grand Hôtel et l’annonce de la sélection du 63e festival de Cannes, quelques films ont été annoncés en complément, comme cela était attendu. Il semblerait vraiment que les conséquences de la crise économique amputent dans des proportions que l’on imagine pas nécessairement le festival d’une part de son attrait.

Le film de clôture n’est toujours pas connu (Blier ? Canet ?), et les informations continueront donc d’être révélées au compte-gouttes.

Pour l’heure, le jury chargé de décerner la Palme accueille un nouveau membre, Alexandre Desplat, l’un des compositeurs les plus passionnant à l’heure actuelle (cf. Un Prophète, Fantastic Mr Fox, The Ghost Writer etc.). La nouvelle n’est pas neutre. Elle sonne les glas des fantasmes de ceux qui espéraient encore voir Terrence Malick intégrer la Compétition officielle en dernière minute, Desplat signant la B.O du film. Tree of Life, si un miracle devait arriver, se trouvera peut-être une place dans le line up des métrages hors-compétitions…. mais n’y comptez pas trop.

La nomination d’Alexandre Desplat équilibre un peu un jury porté à 9 membres, en comptant le président Tim Burton, mais pas Jafar Panahi dont on se doute que le pouvoir iranien le lui accordera pas un visa maintenant…
Le jury ne fait pour autant, toujours pas et pas plus que le festival très généralement pour cette année, la part belle à la parité hommes/femmes. Elles ne sont que deux dans le jury (les actrices Giovanna Mezzogiorno et Kate Beckinsale) et aucun film réalisé par une femme ne concoure cette année pour la Palme…

Deux films supplémentaires viennent d’intégrer la Compétition Officielle et sont donc réalisés par des hommes.

Sélection officielle – En Compétition


La relève du cinéma Hongrois (bien réelle) est emmenée par le très talentueux Kornél Mundruczó. Le cinéaste concourait déjà pour la palme en 2008 avec l’impressionnant Delta, un film autant radical que fascinant, déroutant et dérangeant. Le titre de son nouveau film, Tender Son – The Frankenstein Project laisse augurer de nouveau troubles tant Mundruczó n’a semble t’il aucun tabou et sait provoquer le malaise chez ses spectateurs (cf Pleasant Day et Johanna)

Chongking Blues du chinois Wang Xiaoshuai a été promu de la sélection de Un Certain regard, ou il a été initialement annoncé la semaine dernière. Le cinéaste est l’un des plus éminent et intéressant cinéaste de la dite Sixième génération de réalisateurs chinois et c’est Cannes qui l’a révélé. Après So Close to paradise (UCR, 1999) et La Dérive (UCR, 2003), Wang Xiaoshuai avait présenté Shanghai Dreams en compétion et remporté le prix du jury (2005).
Son dernier film en date reste le sublime mélo-social Une Famille chinoise (aka In love we trust), lauréat du prix du scénario à Berlin en 2008. A la Berlinale, Wang Xiaoshuai a aussi reçu le Grand prix, pour Beijing Bicycle en 2001. Il est un donc un cinéaste habitué des grands festivals internationaux et leurs prix…

Sélection officielle – Hors Compétition


Incontestablement, Carlos d’Olivier Assayas fera l’évènement d’un festival qui manquera sans doute de figures de proues par ailleurs. Carlos a failli intégrer la compétition mais son origine télévisuelle à fait débat. Beaucoup d’encre à déjà coulé autour du film, entre la demande rejeté du terroriste Carlos d’obtenir un droit de regard, et la supposée querelle entre Gilles Jacob, Thierry Frémaux et Canal Plus, pas très heureux de s’être retrouvé exclu de la compétition à la Palme. Finalement, le film sera bien diffusé au Palais des festivals et les stars monteront les marches pour se confronter aux 5h30 de projection. Les 5h30 représentent en fait les 3 épisodes prévus par Canal + pour la diffusion télé, laquelle aura lieu sur la chaîne en même temps que la projo Cannoise. Les festivaliers auront droit à un entracte entre chaque film…
Le projet, initialement proposé au roumain Radu Mihaileanu, est finalement porté par Olivier Assayas, un cinéaste à l’aise dans le registre tentaculaire et dont on peut penser qu’il est le réalisateur idéal pour un tel défi. Assayas répète à l’envie qu’il a travaillé son film avec la même ambition de cinéma qui l’a toujours animé, ce qui est forcément très prometteur.

Le documentariste roumain Andrei Ujica avait déjà conté, pour la télévision, la chute du dictateur roumain Nicolae Ceaucescu avec Videograms of a Revolution en 1992 (coréalisé avec Harun Farocki). Les 3h de son nouveau film, The Autobiography of Nicolae Ceaucescu seront sans doute un lourd morceau de cette édition du festival, très politique, et très orienté vers les documentaires (cf la sélection de la Quinzaine des réalisateurs et le line-up des films Hors Compétition).

Une tendance pas démentie par Countdown to zero de Lucy Walker, connue pour son documentaire Blindsight tourné en 2005 dans l’Himalaya. Le compte à rebours du titre de son nouveau métrage nous renvoie à la course aux armes nucléaires qu’elle s’attache à relater en partant à la rencontre de nombreux acteurs de cette course folle (de Gorbatchev et Jimmy Carter à Pervez Musharraf). Le film sera présenté alors que le thème de l’armement nucléaire a largement été remis sur le devant de scène ces dernières semaines par le volontarisme de Barack Obama pour y mettre un frein.

A noter par ailleurs, l’annonce de deux films supplémentaires au programme de la sélection Un Certain regard : Carancho de l’Argentin Pablo Trapero et  I Wish I New de Jia Zhang-ke, qui permet à la Chine de conserver un siège dans cette section après la promotion – on l’a dit plus haut – de Wang Xiaoshuai en compétition officielle. Pablo Trapero et Jia Zhang-ke ont en commun d’avoir chacun concouru pour la Palme 2008, l’un avec Leonera, l’autre avec 24 City

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Présentation de la sélection du 63e festival de Cannes

avril 15, 2010

De l’aveu même de Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, l’annonce un peu précipitée des films qui concourront pour la Palme d’or et alimenteront pendant 10 jours les gazettes du monde entier ne s’explique que par une volonté assumée de créer de l’excitation autour de l’évènement.
A divers titres, nous n’avons en effet pas fini de parler de Cannes, avant même que le tapis rouge ne soit déroulé sur les marches pour la projection de Robin des bois de Ridley Scott en ouverture du festival le 12 mai.

Jafar Panahi

Les organisateurs ont prit une initiative politique qui sera sans doute commentée et discutée partout. Avant de révéler l’identité des cinéastes qui auront le privilège de rêver à la Palme, ce sont – comme de tradition – les noms des membres du jury qui ont d’abord été portés à la connaissance de chacun. Le plus remarquable l’est car il est absent et que rien aujourd’hui ne garanti sa présence sur la Croisette pendant la quinzaine du festival.

Gilles Jacob et Thierry Frémaux ont décidé d’inviter le cinéaste iranien Jafar Panahi à rejoindre le jury. Cette annonce aura fatalement des conséquences mais qu’il est difficile d’anticiper aujourd’hui. Cannes force la communauté médiatique et cinéphile à s’intéresser de plus près encore au sort du cinéaste enfermé depuis le début du mois de mars dans une prison iranienne en raison de son opposition au pouvoir politique iranien et de son rôle dans les manifestations qui ont ébranlés Téhéran au début de l’année.
De cette manière Cannes s’autorise à défier l’Iran. Mahmoud Ahmadinejad se montre inflexible sur des sujets autrement plus sensibles et on imaginera volontiers son irritation face à ce petit coup de pression venant de Cannes. Nous publierons un peu plus tard un extrait de l’interview que nous a accordé Nader T. Homayoun à l’occasion de la sortie hier de son film Téhéran. Il nous parle de Panahi et de la relative complexité de cette affaire. La position symbolique prise par Cannes favorisera t’elle un retournement de la situation de Panahi ? De nombreuses hypothèses sont sans doute permises…

Jury de la Compétition Officielle : Tim Burton (Président), Giovanna Mezzogiorno, Kate Beckinsale, Alberto Barbera, Emmanuel Carrère, Benicio Del Toro, Victore Erice, Shekhar Kapur + Jafar Panahi.

Présentation de la Sélection Officielle

Si l’on a vraiment pas fini de parler de Cannes en amont des festivités, c’est aussi parce que cette année plus encore que les précédentes, les informations vont continuer d’être délivrées au compte-goutte dans les jours et semaines à venir. Officiellement pour le moment, seulement 16 films se disputeront la Palme (contre 22 en 2008 et 20 l’année dernière par exemple). Et on ne note la présence que d’un seul film américain (Fair Game de Doug Liman, à propos de l’affaire Veronica Plame) en compétition.

Les Grands absents

Le film sans doute le plus attendu des cinéphiles cette année, Tree of life de Terrence Malick, n’est actuellement pas prêt, ne le sera peut-être pas non plus dans un mois. L’annonce tardive de sa sélection (mais peut-être plutôt Hors compétition) pourrait néanmoins intervenir si le cinéaste achève son travail dans des délais raisonnables.
D’une manière générale, la faible représentation du cinéma américain en compétition s’explique probablement, justement, parce que les films ne sont pas encore prêts : on pense notamment à ceux de Darren Aronofsky (Black Swan), Clint Eastwood (Hereafter), Gus van Sant (Restless). De la même manière, pour faire le grand écart, le nouveau film du cinéaste hongrois Bela Tarr (Le Cheval de Turin) dont le tournage s’est achevé il y a quelque temps seulement, ne figure pas non plus dans le line-up. Tous ces films restent donc candidats, parmi d’autres, pour une sélection qui sera de toutes façon complétée bientôt.

Détaillons maintenant les forces en présence de cette sélection…

Amerique du nord et centrale


A l’heure actuelle, le seul cinéaste américain en lice se révèle être issu du moule de l’industrie américaine du cinéma. Sa sélection avec Fair Game, Doug Liman (Go, La Mémoire dans la peau, Jumper) l’a doit moins à son talent reconnu d’artiste qu’à son sujet politique et son casting glamour. Naomi Watts et Sean Penn sont les têtes d’affiches d’un thriller qui revient sur l’affaire Plame-Wilson qui ébranla l’administration Bush en 2005. Les deux comédiens avaient déjà échangés quelques répliques à l’occasion de 21 grammes d’Alejandro González Iñárritu.

Le cinéaste mexicain, déjà en compétition en 2006 avec Babel (Prix de la mise en scène), revient justement cette année avec Biutiful. Le film est son premier qui n’ait pas été scénarisé par Guillermo Arriaga, peut-être trop occupé maintenant qu’il est lui même passé derrière la caméra (The Burning Plain). Biutiful a été tourné en espagnol avec Javier Bardem et Blanca Portillo, ce qui ne lui était plus arrivé depuis Amours Chiennes en 2000, son premier film, qui lui valu d’être la révélation de la Semaine de la critique cette année là…

France


Revenu des Etats-Unis ou il avait tourné Dans la brûme électrique, Bertrand Tavernier signe pour son nouveau film une adaptation de Madame de la Fayette avec La Princesse de Montpensier. Tavernier n’avait plus figuré en compétition à Cannes depuis Daddy Nostalgie en 1990. Un joli gratin du jeune cinéma français (Mélanie Thierry, Grégoire Leprince-Ringuet, Gaspar Ulliel) côtoieront Lambert Wilson, également au casting du film de Xavier Beauvois…

Grand habitué de la Compétition officielle en tant qu’acteur ces dernières années (Marie-Antoinette, Quand j’étais chanteur, Le Scaphandre et le papillon en 2006, Un Conte de Noël en 2007, Visage et Les Herbes folles en 2009), Mathieu Amalric enfilera cette fois une deuxième casquette, celle de réalisateur, pour monter les marches du Grand Palais. Amalric, déjà auteur de Mange ta soupe (1997) et de La Chose Publique (2003), présentera son nouveau film justement intitulé Tournée et dans lequel un producteur de spectacle sur le retour (joué par Amalric lui même), parcourt les cabarets de province avec sa troupe de danseuses pour un show de striptease singulier.

Prix du jury à Cannes en 1995 avec N’Oublie pas que tu vas mourir, Xavier Beauvois évoquera avec Des Hommes et des Dieux, l’enlèvement et le massacre de sept moines en Algérie en 1996, dans un pays alors en pleine guerre. Un sujet sensible pour un film qui ne devrait pas laisser indifférent, ce dont on ne doute pas après les chocs qu’on constitué ses précédents films (il a aussi réalisé Le Petit Lieutenant en 2005). Michael Lonsdale, Lambert Wilson, et Sabrina Ouazani (L’Esquive) partageront l’affiche avec Roschdy Zem, lequel reste fidèle à un cinéaste qui le dirige pour le troisième fois.

Afrique


On retrouvera Roschdy Zem dans Hors-là-loi de Rachid Bouchareb, vraie/fausse suite de son film Indigènes qui avait valu à l’ensemble des têtes d’affiches de remporter un prix d’interprétation collectif lors du festival de Cannes 2006. On les retrouve tous (Bernard Blancan, Sami Bouajila, Djamel Debouzze), à l’exception de Samy Naceri, en proie à des démons qui vont l’éloigner sans doute durablement des plateaux de cinéma… Hors-la-loi représentera l’Algérie et rappelle, ne serait-ce que par son titre, le classique éponyme du cinéma algérien réalisé par Tewfik Fares en 1976. Les deux films évoquent les parcours de trois jeunes algériens engagés dans la lutte pour l’indépendance du pays. S’agit t’il d’un remake (déguisé) ?

Mis à part les films du cinéaste franco-algériens Rachid Bouchareb, il faut remonter à 1997 pour retrouver trace d’un long-métrage africain en lice pour la Palme d’Or. A l’époque, il s’agissait de Kini et Adams du burkinabais Idrissa Ouedraogo.
C’est le tchadien Mahamat Haroun Saleh, habitué des festivals internationaux et auteur de Daratt (2006, sélectionné à Venise) qui met fin à 13 ans de disette avec Un Homme qui crie, son quatrième long-métrage. Le film, qui a été tourné à Ndjamena et portait d’abord le titre « Un homme qui crie n’est pas un ours qui danse », d’après un poème d’Aimé Césaire, évoque un Tchad en proie à la guerre civile.

Europe

Sergei Loznitsa (The Siege, 2006 ; Revue en 2008) est le moins connu des cinéastes en compétition mais tout le monde gagnera ce que l’on focalise sur son cas. Sergei Loznitsa est un documentariste ukrainien singulier et passionnant, ne serait-ce que du point de vue de son ambition artistique. La matière première du cinéma de Loznitsa, c’est bien l’image et le son, ce qui n’est pas forcément caractéristique du travail documentaire en général. De cette manière, Loznitsa impose un style peut-être plus proche du cinéma de fiction que documentaire, mais selon une démarche construite, réfléchie, et finalement assez fascinante. La sélection de You. My joy est la première du cinéaste à Cannes et constitue déjà en soi une consécration tant il est important que cet auteur soit reconnu.

Principale figure du cinéma Russe à la chute du bloc communiste, Nikita Mikhalkov a longtemps et légitimement été célébré comme un cinéaste important (Les Yeux noirs, Urga, Soleil Trompeur), avant de retomber en quasi complète désuétude, plombé en plus par une réputation ambigüe que son dernier long-métrage sorti en France il y a quelques semaines (12) n’a pas contredit….
Nikita Mikhalkov avait fait l’ouverture du festival de Cannes en 1996 avec la superproduction Le Barbier de Sibérie. On le retrouve presque quinze ans plus tard, en course pour la Palme avec un film qui est la suite officielle de Soleil Trompeur, réalisé en 1994 et lauréat du Grand Prix du jury à Cannes. Le film évoquait la police politique de Staline, le NKVD (ex-KGB) et son rôle pendant la période des Grandes Purges dans les années 30.

Habemus Papam de Nanni Moretti était plus ou moins attendu en compétition. C’est finalement La Nostra Vita de Daniele Luccheti, un ancien assistant de Moretti, qui permet à l’Italie d’être représentée en compétition officielle. Le cinéaste a déjà été honoré par une sélection à Cannes en 1991 avec sa satire politique Le Porteur de Serviette (avec Moretti). Il a aussi évoqué les années de Plombs avec le drame Mon Frère est fils unique, présenté à Un Certain regard en 2007. Le film révélait alors Ricardo Scamarcio, revu depuis dans Eden à l’Ouest de Costa-Gavras et La Prima Linea (actuellement en salle), et que l’on retrouvera dans La Nostra Vita, portrait de l’Italie contemporaine à travers l’histoire d’un ouvrier romain.

Mike Leigh est l’un des deux réalisateurs de cette sélection à avoir déjà conquis la Palme d’Or, en 1996 pour Secret et mensonge, alors que Naked lui avait valu le prix de la mise en scène en 1993. Le sujet de son nouveau film, Another Year, reste pour le moment confidentiel. Le casting est en revanche connu et l’on retrouvera quelques un des acteurs que le cinéaste a déjà dirigé, dont l’inoubliable Imelda ‘Vera Drake’ Staunton. Jim Brodbent (Life is sweet, 1990), Lesley Manville (All or Nothing, 2002) et Karina Fernandez (Be Happy, 2008) sont également de l’aventure.

Si Mike Leigh a déjà obtenu la Palme en 1996, c’est Abbas Kiarostami qui lui a succédé au palmarès grâce au Goût de la cerise (Ex-aequo avec L’Anguille d’Imamura). Fer de lance du cinéma iranien jusqu’au début des années 2000, Kiarostami c’est depuis mué en artiste dont le travail a peut-être plus sa place dans les galeries d’art moderne (cf Shirin, sortit en début d’année) que dans les cinémas. Copie conforme devrait se démarquer du cinéma qu’on lui connait. Le film est le premier qu’il tourne hors des frontières de l’Iran et narrera la rencontre entre un universitaire britannique auteur d’un ouvrage établissant les liens ténus entre oeuvre d’art originale et copie (William Shimell), et une galeriste française (Juliette Binoche, ambassadrice du festival via l’affiche officielle de cette édition).

Asie

Takeshi Kitano est actuellement partout : une expo à la Fondation Cartier (jusqu’au 12 septembre), une autobiographie en librairie (Kitano par Kitano, Grasset), et un film en salle (Achille et la tortue, réalisé en 2008 mais qui ne sort en France que maintenant). Il a aussi été fait Commandeur des Arts et des Lettres lors de son dernier voyage à Paris en mars dernier.
Les trois derniers longs de Kitano, très personnels, voir mégalos, mais aussi assez drôles, ont moins trouvé le public que les films qui, du milieu des années 90 au milieu des années 2000, lui ont valu d’être considéré comme un des cinéastes les plus importants au monde. Si Outrages évoquait jusqu’à présent un fameux film de guerre de De Palma, Outrage au singulier offre à Kitano l’opportunité d’un retour au cinéma violent qui a commencé de le faire connaître (Violent Cop, Sonatine etc.). Il sera de nouveau question de guerre des gangs.

Révélé par la Quinzaine des réalisateurs avec The President Last bang, Im Sangsoo est l’un des deux cinéastes coréens en compétition cette année, une preuve par le nombre que la florissante cinématographie coréenne pèse bien de tout son poids dans le concert mondial. Im Sangsoo débarque en compétition avec The Housemaid, le remake d’un classique du cinéma coréen de 1960 récemment sauvé de l’oubli grâce à la fondation de Martin Scorsese. Le film original de Kim Ki-young est un véritable trésor de cinéma, une oeuvre implacable et impeccablement moderne. L’histoire est celle d’un professeur de piano adulé par quelques jeunes femmes qu’il a comme élève. Sur les recommandation d’une, il embauche une servante pour soulager son épouse souffrante. La servante s’offre à lui puis exerce un terrible chantage qui va détruire la famille entière. Im Sangsoo, à qui l’ont doit aussi Une Femme coréenne et Le Vieux jardin, adaptera l’histoire au contexte de la société coréenne moderne et pourrait aussi augmenter sensiblement la charge érotique déjà perceptible dans le film original… Le casting a beaucoup d’allure : Jeon Do-Yeon ( prix d’interprétation à Cannes pour son rôle dans Secret Sunshine), Lee Jeong-Jae (Over the Rainbow) et Seo Woo (Paju).

Le second cinéaste coréen en lice est justement celui-là qui permit à Jeon Do-yeon de remporter un prix à Cannes. Lee Chang-dong (Peppermint Candy, Oasis et Secret Sunshine) est sans doute un des plus grands réalisateurs actuels. Poetry racontera l’histoire d’une femme au crépuscule de sa vie.

Autre cinéaste majeur de la jeune génération, le thaïlandais Apichatpong Weerasethakul a déjà reçu à Cannes le prix du Jury en 2004 pour Syndrom and a century. Son nouveau film, Loong Boonmee raeleuk chaat (on attend un titre international) est le prolongement du court-métrage A Letter to Uncle Boonmee que les visiteurs du festival Hors Piste au Centre Pompidou ont eu l’occasion de découvrir en février dernier.

Hors compétition


Si le cinéma américain est pour le moment très discret pour ce qui est de la compétition, le contingent est augmenté par les films présentés hors concours, et qui garantissent des montées des marches conformes aux attentes de ceux qui ne voient en Cannes que l’image des paillettes et des stars et starlettes.

Comme aux occasions de Match Point (2005) et Vicky Cristina Barcelona (2008), Woody Allen réserve la primeur de l’avant-première de son nouveau film (You Will Meet a Tall Dark Stranger) à Cannes, tout en refusant obstinément de prendre part à la compète’. Le film offrira l’opportunité de revoir sur grand écran la divinement belle Freida Pinto, jeune actrice indienne révélée par Danny Boyle l’année dernière avec Slumdog Millionnaire. Freida sera particulièrement bien entourée grâce à Anthony Hopkins, Antonio Banderas, Josh Brolin et Naomi Watts, comme quoi Woody aime toujours autant les blondes et sait faire sans Scarlett.
Naomi Watts s’était faite connaître à Cannes en 2001 via Mulholland Drive de David Lynch.

Qu’il soit un cinéaste très inégal n’empêche pas Oliver Stone de scruter toujours avec une relative attention les grands déséquilibres qui bouleversent à intervalles réguliers la puissance Etats-uniennes. En épinglant Wall Street en 1987, Stone livrait un film symptomatique des années Reagan et des premières grandes dérives financières qui ont accompagnées le mandat de l’ancien président US. L’argent ne dors jamais va permettre à Oliver Stone d’offrir sa vision de la crise financière et économique qui a fortement impactée le monde depuis plus d’un an. On retrouvera Gordon Grekko (Michael Douglas) dès sa sortie de prison, prêt à léguer son héritage à une nouvelle génération de traders pas moins avide qu’il ne l’a été. Le casting d’hier (Douglas et Charlie Sheen dans le rôle de son fidèle associé) se mélange à celui d’aujourd’hui, le cabotin Shia Labeouf et la charmante Carey Mulligan (Une Education) pour jouer la fille de Grekko. Susan Sarandon, Josh Brolin (encore), Franck Langella, Eli Wallach complètent un casting impressionnant.

La femme fatale de ce festival sera sans doute Tamara Drewe, l’héroïne éponyme du nouveau film de Stephen Frears. Le cinéaste anglais des Liaisons dangereuses et de Chéri revient peut-être à un univers moderne mais son travail risque quand même de s’inscrire dans la continuité de ces films là en élargissant son spectre des jeux de séductions et de passions, mesquins et redoutables, qu’il maîtrise à merveille. Tamara Drewe est une starlette londonienne d’aujourd’hui qui revient dans sa petite ville natale qu’elle va consumer à sa manière par sa beauté provocante. Le personnage est incarné par Gemma Arteton, actuellement à l’affiche dans un rôle négligeable du désastreux Choc des Titans, mais que l’on a aussi vue dans Casino Royal, Rock’n Rolla et Good Morning England.

Séances de minuit

Après Smiley Face (Quinzaine 2007), parenthèse légère et inoffensive réalisée juste après son chef d’oeuvre Mysterious Skin, le cinéaste indépendant américain mélancolico-trash Gregg Araki revient à Cannes avec Kaboom. Le film devrait être dans la lignée de Smiley Face, une comédie d’horreur sexuellement décomplexée ou une jeune femme, après avoir avalé quelques space cakes (encore), se retrouve persuadée d’avoir assisté au meurtre d’une femme étrange. Araki avait dirigé Chiara Mastroianni dans Nowhere et met cette fois en scène une autre actrice française, Roxane Mesquina (A ma soeur, Une Vieille maîtresse de Catherine Breillat). Egalement au casting : Juno Temple (Reviens-moi, Mr. Nobody, Greenberg), Kelly Lynch (Drugstor Cowboy), Thomas Dekker (From Within, la série Sarah Connor Chronicles, et le remake à venir des Griffes de la nuit) etc.

Scénariste pour Dominik Moll et Cédric Kahn, Gilles Marchand est également l’auteur d’un premier long-métrage présenté à Cannes en compétition en 2003, Qui a tué Bambi ? Avec L’Autre monde, Gilles Marchand réalise un thriller en immersion dans l’univers virtuel des jeux en réseaux. Louise Bourgoin, actuellement à l’affiche de la dernière bessonerie Adèle Blanc-sec, sera en tête de gondole d’un casting jeune et intéressant (Grégoire Leprince-Ringuet, Pauline Etienne, Melvil Poupaud).

Séances spéciales


La plupart des films en séances spéciales sont documentaires et politiques.

La crise financière ne sera pas seulement auscultée sous l’oeil d’Oliver Stone, mais aussi à travers le doc de l’américain Charlie Ferguson, dans Inside Job.
Le documentariste chilien Patricio Guzman (La Bataille du Chili, Le Cas Pinochet, Salvador Allende) explorera lui l’identité chilienne actuelle dans son nouveau film intitulé Nostalgie de la lumière.
La comédienne humoristique italienne Sabina Guzzanti, après sa charge contre la main-mise berlusconienne sur les médias transalpins dans Viva Zapatero !, reviendra elle sur le tremblement de terre de L’Aquila dans les Abruzzes il y a tout juste un an, avec Draquila, L’Italia che trema.
Carlos Diegues évoquera lui les bidonvilles de Rio de Janeiro dans Cinco Favelas por nos mesmos.
Sophie Fiennes , après avoir travaillé avec le philosophe Slavov Zizek pour The Pervet’s guide to cinema (2006) et réalisé un documentaire sur la chanteuse et actrice Grace Jones (Grace Jones, The musical of my life), s’interessera au travail excentrique de l’architecte allemand Anselm Kiefer – notamment les tours dégingandées de la Ribotte à Barjac – avec Over your cities grass will grow.

Deux fictions seront également présentées en Séances spéciales : Abel, le premier film de cinéaste de l’acteur mexicain Diego Luna (Y tu mama tambien, Mister Lonely, Harvey Milk), lequel a été projeté à Sundance en janvier dernier ; et aussi Chantrapas de Otar Iosseliani (Adieu, plancher des vaches en 1999), à propos d’un artiste Géorgien victime de la censure. Le cinéaste burlesque français Pierre Etaix y fait une apparition.

Benoît Thevenin


Line up complet (mis à jour le 23/04)

Film d’Ouverture :

Robin des bois de Ridley Scott ( USA ) 2h11 H.C

Compétition :

Tournée de Mathieu Amalric ( France ) 1h51
Des Homme et des dieux de Xavier Beauvois ( 2h00 )
Hors la loi de Rachid Bouchareb ( Algérie ) 2h11
Biutiful de Alejandro Gonzalez Inarritu ( Mexique ) 2h18
Un Homme qui crie de Mahamat Saleh Haroun ( Tchad ) 1h40
The Housemaid de Im Sangsoo ( Corée du sud ) 1h46
Copie Conforme de Abbas Kiarostami ( Iran/Italie ) 1h46
Outrage de Takeshi Kitano ( Japon ) 2h00
Poetry de Lee Chang-dong ( Corée du sud ) 2h15
Another Year de Mike Leigh ( Angleterre ) 2h09
Fair Game de Doug Liman ( Etats-Unis ) 1h44
Mon Bonheur de Sergei Loznitsa ( Ukraine ) 1h50
La Nostra Vita de Daniele Luchetti ( Italie ) 1h33
Soleil Trompeur 2 de Nikita Mikhalkov ( Russie ) 2h21
La Princesse de Montpensier de Bertrand Tavernier ( France ) 2h15
Loong Boonmee Raleuk Chaat de Apichatpong Weerasethakul ( Thaïlande ) 1h30
Tender Son – The Frankenstein Project de Kornel Mundruczo (Hongrie) 1h58
Chongking Blues de Wang Xiaoshuai (Chine) 1h45

Hors compétition

You will meet a tall dark stranger de Woody Allen ( Etats-Unis ) 1h38
Tamara Drewe de Stephen Frears ( Angleterre ) 1h49
Wall Street 2 – L’argent de dort jamais de Oliver Stone ( Etats-Unis ) 2h16

Séances de minuit

Kaboom de Gregg Araki ( Etats-unis )
L’Autre monde de Gilles Marchand ( France ) 1h40

Séances spéciales

Carlos d’Olivier Assayas (France) 5h30
The Autobiography of Nicolae Ceaucescu de Andrei Ujica (Roumanie) 3h00
Countdown to zero de Lucy Walker (Etats-Unis) 1h20
5x Favelas por nos mesmos de Carlos Diegues (Brésil) 1h36
Inside Job de Charles Ferguson (Etats-Unis) 2h00
Over your cities grass will grow de Sophie Fiennes (France) 1h40
Nostalgie de la lumière de Patricio Guzman (Chili) 1h40
Draguila – L’Italia che trema de Sabina Guzzanti ( Italie ) 1h30
Chantrapas de Otar Iosseliani (Géorgie) 2h05
Abel de Diego Luna ( Mexique ) 1h20

Un Certain regard

Blue Valentine de Derek Cianfrance (Etats-Unis) 1h34
Angelica de Manoel De Oliveira ( Portugal ) 1h34
Les Amours imaginaires de Xavier Dolan ( Canada/Québec ) 1h35
Los Labios de Ivan Fund et Santiago Loza (Argentine) 1h40
Simon Werner a disparu… de Fabrice Gobert (France) 1h27
Film Socialisme de Jean-Luc Godard ( Suisse/France ) 1h41
Unter dir die stadt de Chistoph Hochhäusler ( Allemagne ) 1h45
Rebecca H. de Lodge Kerrigan (Etats-Unis) 1h15
Adrienn Pal de Agnes Kocsis ( Hongrie ) 2h16
Udaan de Vikramaditya Motwane (Inde) 2h18
Mardi, après Noël de Radu Muntean ( Roumanie ) 1h39
Chatroom de Hideo Nakata ( Japon ) 1h37
Aurora de Christi Puiu ( Roumanie ) 2h59
Ha Ha Ha de Hong Sangsoo ( Corée du sud ) 1h56
La Vie avant tout de Olivier Schmitz (Afrique du sud) 1h40
Octobre de Daniel et Diego Vega (Perou) 1h23
R U There de David Verbeek (Taïwan) 1h27
I wish I knew de Jia Zhang-ke (Chine) 2h05
Carancho de Pablo Trapero (Argentine) 1h47

A Lire aussi :


Une femme disparaît (A lady vanishes) d’Alfred Hitchcock

avril 5, 2010

Sitôt le tournage de Jeune et innocent achevé, Hitchcock tourne en studio Une Femme disparaît. Cet enchaînement rapide coïncide avec le rythme imposé par le cinéaste dans son film. Une femme disparaît est un film relativement court, mais mené tambour-battant.
A cette époque, la Gaumont-british est en crise et Hitchcock a conscience que malgré sa notoriété déjà établie, ses horizons se bouchent. Dès la fin du tournage de Jeune et innocent , Hitchcock se rend à New-York et rencontre quelques pontes de l’industrie hollywoodienne. Il revient à Londres persuadé que son avenir s’inscrira de l’autre côté de l’Atlantique, et réalise Une Femme disparaît avec l’idée qu’il s’agira de son dernier film britannique (il réalisera finalement un autre film, La Taverne de la Jamaïque, avant de rejoindre les USA et Selznick).

Au début d’Une Femme disparaît, il est justement question d’un grand départ. L’action se situe en gare dans un pays d’Europe centrale. Les passagers, d’horizons très divers (anglais, italiens, français etc.), sont coincés pour une nuit dans un petit hôtel, après qu’une avalanche ait empêché l’emprunt des voies par le train. La nuit est assez mouvementée mais au petit matin, tout le monde embarque. Iris, l’héroïne du film (Margaret Lockwood)  se retrouve assommée suite à la chute d’un objet. Une vielle dame, Miss Froy, prend soin d’elle et les deux femmes sympathisent. Quand Miss Froy disparait à l’intérieur du train en marche, Iris se met en quête de la retrouver mais se heurte aux réponses des autres passagers qui affirment l’avoir toujours vu seule… Iris est-elle victime d’hallucinations à cause du choc reçu ? Est-elle victime d’un complot ? S’agit-il d’un mauvais tour de prestidigitation ?

Une Femme disparaît est surtout une savoureuse comédie d’espionnage, laquelle s’inscrit indiscutablement dans le contexte des tensions géopolitiques de l’époque et du début de la première guerre mondiale. L’enjeu du film est d’abord diplomatique, pour justement empêcher qu’une guerre n’éclate, et Hitchcock critique la passivité de certains acteurs (notamment le juge, obsédé par son devoir de neutralité).

A travers la galerie de ses personnages, Hichcock égratigne gentiment, et sur un ton satirique, les comportements des uns et des autres. Iris est une petite bourgeoise qui se plait à se vanter d’avoir manger du caviar à Cannes. Le juge Todhunter pense plus à sa carrière qu’a une éventuelle lune de miel avec sa maîtresse. Charters et Caldicott – qu’Iris découvre à un moment partageant le même lit –  sont plus préoccupés par le résultat d’un match de cricket que par ce qui se passe autour d’eux …

Le film est l’adaptation d’un roman d’Ethel Lina White paru en France sous le titre On ne meurt vraiment que deux fois. Hitchcock récupéra le scénario qui en avait été tiré, réalisant ainsi pour la première fois une oeuvre dont il n’avait pas participé lui-même à l’écriture. Cependant, Hitchcock pris l’initiative de modifier les scènes finales, soit la preuve qu’il prenait soin de garder toujours le complet contrôle de son travail.

Impeccablement mené, spectaculaire lorsqu’un personnage se retrouve à l’équilibre à l’extérieur du train pendant qu’un autre dans l’autre sens semble foncer sur lui, Une Femme disparaît est un petit bijoux de fantaisie, de paranoïa et d’efficacité dans la mise en scène. Hitchcock aura livré son film après quelques semaines de tournage et de postproduction, affirmant une pleine maîtrise de la technique qu’il avait lui même développé depuis ses débuts (effets de transparence notamment). La prouesse est telle que l’on a véritablement le sentiment d’être à bord d’un train lancé à vive allure, ce qui en 1939 est une chose assez stupéfiante.

Du reste, Une Femme disparaît reçu un accueil triomphant de part et d’autre de l’Atlantique. Le succès fût à la fois critique et public et le film reste l’un des plus célèbre tourné par Hitchcock en Grande-Bretagne.
Le principal duo comique du film, Charters et Caldicott, profitera de ce succès. Les scénaristes originaux d’Une Femme disparaît (Gilliat et Launder) les réemploieront dans plusieurs films, dont Train de nuit pour Munich de Carol Reed (1940) et Ceux de chez nous que Sidney Gilliat réalisa lui même en 43.

Benoît Thevenin


Une femme disparaît – Note pour ce film :
Réalisé par Alfred Hitchcok
Avec Margaret Lockwood, Michael Redgrave, Paul Lukas, Dame May Whitty, Cecil Parker, Linden Travers, Naunton Wayne, Basil Radford, Mary Clare, …
Année de production : 1938
Reprise dans les salles françaises  le 28 avril 2010


Note pour ce film :

Jeune et innocent (Young and innocent) d’Alfred Hitchcock

avril 5, 2010

Tout l’enjeu de ce film, l’un des derniers qu’Hitchcock tourna en Angleterre, est à l’évidence contenu dans le titre. Après une introduction fulgurante, ou éclate une dispute entre une actrice et son mari qui lui reproche d’avoir sacrifié leur couple pour sa carrière, qui lui reproche surtout de se laisser aller avec des hommes plus jeunes, succède une séquence ou la mer lègue sur la plage le cadavre de la dite actrice. Les deux scènes s’opposent entièrement. La dispute éclate à l’intérieur d’une maison sur le bord de mer, alors que la tempête à l’extérieur fait rage. A l’inverse, quand le cadavre est découvert par Robert (Derrick de Marnay), bientôt accusé à tord de meurtre, il fait jour et la mer est on ne peut plus calme.

Robert est donc le héros jeune et innocent dont il est question dans l’intitulé. Il est cependant un coupable en puissance : il a découvert le corps de celle qui a été une amie, il a reçu de l’argent de cette dernière lorsqu’elle a souhaité lui acheter un script, l’actrice est morte étranglée par la ceinture d’un imperméable alors même que Robert explique qu’on lui a volé le sien. Et enfin, deux jeunes femmes qui passaient par là ont vu Robert fuir en courant, sauf qu’il se dépêchait seulement de chercher secours…

Cette thématique du regard est essentielle à la construction du récit. L’accusation dont est l’objet Robert est donc affaire d’un mauvaise perception visuelle. Le véritable assassin est lui reconnaissable entre mille du fait d’un tic qui le conduit à cligner des yeux frénétiquement. Robert réussira aussi à s’échapper du tribunal ou il s’apprête à être juger, en subtilisant les lunettes d’un avocat qui dès lors n’y voit plus rien et ne peut plus lire ses notes. La thématique du regard se retrouve encore par la suite. Tout est véritablement question de point de vue.

Jeune et innocent permet à Hitchcock de continuer de développer un sujet qui lui est cher et qui le fascine, celui du faux coupable. Pour ce film, il adopte un récit proche de celui des 39 marches : fuite en avant, aide d’une jeune femme, complicité d’une rencontre de passage (ici l’oncle lors de la fête enfantine), et dénouement à l’occasion d’un concert public… Le film est construit sur un ton léger, typique de l’humour d’un Hitchcock qui manie à merveille ici comme ailleurs l’ironie mordante. La séquence clé, c’est bien celle de la fête enfantine. Les jeux de regards se multiplient dans ce qui se ressent comme une parodie de scène de justice. La tante d’Erika joue le rôle d’une véritable inquisitrice. Elle soupçonne le mensonge de Robert jusqu’à ce que ce dernier lui échappe, la tante se retrouvant entrainée dans un colin-maillard avec les enfants. Elle représente très exactement, portant une espèce de toque qui rappelle celle des magistrats de l’époque, une justice aveuglée et qui ne regarde pas plus loin que le bout de son museau pour délivrer sa sentence sur une affaire.

Bizarrement, cette séquence  assez déterminante dans la mécanique du récit sera coupée au montage pour la version exploitée aux USA, sous un autre titre d’ailleurs, The Girl was young

Malicieux et bien rythmé, Jeune et innocent est aussi connu pour la sophistication de sa mise en scène. Le travelling avant qui ira révéler au spectateur la place de l’assassin est un des mouvements de caméra les plus célèbre réalisé par Hitchcock.

On notera par ailleurs dans Jeune et innocent ce qui est l’apparition la plus amusante d’Hitchcock dans ses propres films. On le découvre planté devant l’entrée du tribunal et maladroit dans son utilisation d’un appareil photo. L’image est d’autant plus sympathique que l’apparition est la plus longue, la plus évidente, qu’Hitchcock ne fera jamais. Il est aussi encore très jeune et son physique presque enfantin contraste étonnament avec ce que l’on connait de malice et de vice chez l’auteur des 39 marches ou Agent Secret

Benoît Thevenin


Jeune et innocent – Note pour ce film :
Réalisé par Alfred Hitchcok
Avec Derrick de Marney, Nova Pilbeam, Percy Marmont, Edward Rigby, Mary Clare, John Longden, George Curzon, Basil Radford, Pamela Carme, George Merritt, …
Année de production : 1937
Reprise dans les salles françaises  le 21 avril 2010



Alice, ou les désirs de Jean-Michel Hulin

avril 3, 2010

Qu’il est difficile de réussir un film. Quiconque s’y est essayé le sait, à moins d’avoir un talent naturel et un génie particulier pour cet art complexe et subtile qu’est le cinéma. Il est tellement facile de se planter…
Alice ou les désirs est un cas d’école du film sans doute ambitieux pour ceux qui l’on fait, mais porté par des gens qui n’ont pas la moindre once de talent, pas la plus petite capacité de prendre du recul sur ce qu’ils mettent en scène.

Jean-Michel Hulin cherche a explorer les questions du désir, de la sensualité et de la sexualité, effleure la notion de perversité, mais livre un film sans qualité, qui n’ose jamais aller aussi loin qu’il en rêverait. Le réalisateur embarque son ingénue Alice dans le monde merveilleux d’une sexualité à l’écart des standards basiques, mais il offre une vision naïve de ce qu’il représente.
La relation entre l’élève brillant et la jolie professeur (Alice n’est pas avare de poncifs) n’est pas voilée du moindre embarras moral. Soit, on pourrait en prendre partie, sauf que la normalisation du rapport ne fonctionne pas non plus. La manipulation facile dont fait l’objet Alice reste très douce et peu convaincante. La découverte des plaisirs sado-maso est bien trop sage pour paraitre crédible. L’actrice s’investit dans son rôle, se sacrifie, se met à nue, mais le réalisateur n’ose jamais profiter de son autorité pour aller jusqu’au bout de ses intentions.

Cela dit, ca n’en aurait certainement pas valu la peine, tant absolument tout est raté dans Alice, ou les désirs. Comment le réalisateur peut-il garder au montage cette sortie de table en forme de figure de patinage artistique qui ne peut que provoquer étonnement, rire, sinon consternation ? Cette image là est à la conclusion d’une séquence surréaliste, entrevue dans la bande-annonce déjà culte d’un film qui correspond très exactement à ce qui y est entrevu. Ainsi, l’incroyable scène de dîner entre amis, ou un couple se dispute sous fond de blind test musique classique (enregistrements cheap et assez désastreux pour les oreilles….). On rit de bon coeur, faute de comprendre l’intention dissimulée par le cinéaste puisqu’il a voulu cette séquence, l’a écrite, l’a monté etc, sans se rendre compte jamais de sa portée ridicule.

Cette séquence, quasi inaugurale, est emblématique de toutes les autres. Il y a notamment ce long plan-séquence ou Alice se retrouve sous l’emprise de ses maîtres à l’intérieur de sa salle de classe. On devine la volonté d’Hulin d’instaurer un malaise, mais il est tellement timide dans sa démarche que l’on y croit pas, que l’inconfort est gommé d’emblée par l’extrême lourdeur de la représentation. En point d’orgue de la séquence, véritable climax même, Alice se fait baisée en levrette sur son bureau par son élève, lequel ne prend pas la peine de retirer son pantalon, ni ne descend sa braguette. Le tout étant filmé en plan-séquence, c’est autant ostensible que stupide (pour ne pas dire ridicule encore).

On en passe des pires et des meilleurs, car tous les éléments qui constituent le film (lumière, décor, etc.) sont au même niveau. Les dialogues sont sur-écrits et constamment risibles. Les acteurs récitent mais incarnent peu. Pauvre Caroline Mercier, pas aidée par ces dialogues et qui ne sait pas quoi en faire. Pauvre Caroline Mercier, qui est une très, très belle femme – on s’en rend compte lorsqu’elle est nue – mais qui est filmée comme un sac de pommes de terre. L’ambition érotique de Hulin se traduit par une incapacité absolue à le faire ressentir.

Le réalisateur fait preuve d’un manque de goût incroyable pour habiller son actrice, avec des choix que parfois on ne comprend pas : sous-vêtements noirs/chaussures rouges puis sous-vêtements rouges/chaussures noires ? Le rouge et le noir, c’est ça l’idée ? Aie, aie, aie. Hulin ne réalise jamais que tout ce qu’il essaye rate, qu’il vise à côté. Il est grotesque, comme cette scène de viol incroyable ou Alice découvre malgré elle la sodomie, ou alors, dans un autre registre, la danse finale ou Caroline Mercier, en roue-libre, se fait plaisir en s’auto-chorégraphiant sans imagination et sans que cela ne colle avec la musique. La chanson en question, c’est I wanna be youg dog, dans une réinterprétation du tube des Stooges. Hulin à de la suite dans les idées… plus premier degré littéral, tu meurs.

L’extrême incompétence de Hulin (il faut le voir pour le croire) finit pourtant pas susciter presque un sentiment de sympathie pour le film. La somme de défaut répertoriés à la minute fait que l’on rit beaucoup, même si malgré les intentions du réalisateur. Même les spectateurs les plus sérieux dans la salle ont finit par se laisser aller à quelques éclats de rire moqueur. Finalement pourtant, grâce à tous les amateurs de nanars, grâce à tous ceux qui trouvent leurs plaisirs dans les ratés et les insuffisances de ceux qui font, Alice ou les désirs restera comme un objet de curiosité et aura au moins la chance de ne pas disparaitre complètement dans l’oubli comme la quantité de films insipides qui sortent chaque semaine. C’est peut-être paradoxal et mesquin, mais c’est ainsi. Alice ou les désirs à d’ailleurs déjà droit à une magnifique chronique sur Nanarland. Cette place privilégiée, ce sera la seule consécration de Jean-Michel Hulin, lequel ferait bien d’abandonner le cinéma tout de suite plutôt que de se compromettre davantage avec la suite de ce qu’il espère être une trilogie, un projet qui laisse songeur…

Benoît Thevenin


Alice, ou les désirs – Note pour ce film :
Réalisé par Jean-Michel Hulin
Avec Caroline Mercier, Cécile Calvet, Axel Zeppegno, Jean Fornerod, Guillaume Zublena, Bruno Henry, Emmanuel Dabbous, Ariane Andrieux.
Année de production : 2009
Sortie française le 24 février 2010


Gardiens de l’ordre de Nicolas Boukhrief

avril 2, 2010

Oui, oui, Nicolas Boukhrief est un cinéaste qui a des idées et des couilles. L’inconvénient est peut-être qu’il manque de suite dans ses idées. Après deux derniers films radicalement différents, un polar musclé (Le Convoyeur) et un polar gnan-gnan (Cortex, pas nul mais maladroit), voici Gardiens de l’ordre, qui se situe peut-être juste entre les deux.

Pour commencer, Boukhrief convoque un casting à contre-emploi. Va pour Cécile de France, qu’on imagine sans trop de mal en flic téméraire. Fred Testot en policier vaguement border-line et l’habituellement très doux et gentil Julien Boisselier en caïd du trafic de drogue, c’est déjà plus osé. Chacun s’en tire plutôt bien.

Gardiens de l’ordre est un film un peu délicat à commenter. Ni bon, ni mauvais, mais pas non plus fadasse. On note un soucis évident du travail bien fait. C’est en fait le problème du film. Chaque plan, chaque séquence, est conçue de façon très et trop appliquée, à tel point que le côté artificiel transpire toujours. Cela se remarque déjà dans à peu près tous les décors. Chaque élément est à sa place dans le cadre, tout est rangé parfaitement et quand il y a désordre, il est bien trop ordonné. On se rend compte de façon trop évidente que les lieux sont fabriqués, qu’un chef déco est passé par là, ce qui défavorise l’immersion dans une réalité dans laquelle déambulerait les personnages. On a plutôt comme l’impression d’être nous même sur le plateau de tournage. L’image est très belle oui, très travaillée, mais la qualité du travail de photo confirme paradoxalement ce sentiment de décalage.

Tout le film donne malheureusement cette impression là : le scénario est très soigné, mais à tel point que sa mécanique est trop évidente. A trop vouloir bien faire, Nicolas Boukrief livre un film presque scolaire et convenu, techniquement très aboutit, mais bien trop artificiel pour que le charme cinématographique fonctionne vraiment. Gardiens de l’ordre contient quand même son lot de scènes fortes et l’on se laisse porter par l’intrigue. Mais quel dommage que l’on nous emmène toujours systématiquement là ou l’on s’attend à aller. Si Boukhrief affiche une maîtrise visuelle et narrative indiscutable, il gagnera dorénavant à se lâcher vraiment pour surprendre bien davantage. C’est bien ça qui gâche Gardiens de l’ordre, si sage et appliqué qu’il ne dépasse jamais le seuil de ses excellentes intentions…

Benoît Thevenin

Filmographie de Nicolas Boukhrief

1995 : Va mourir
1998 : Le Plaisir (et ses petits tracas)
2003 : Le Convoyeur
2008 : Cortex
2010 : Les Gardiens de l’ordre


Gardiens de l’ordre – Note pour ce film :

Réalisé par Nicolas Boukhrief
Avec Cécile de France, Fred Testot, Julien Boisselier, Nicolas Marié, Nanou Garcia, Gilles Gaston-Dreyfus, Jean-Michel Noirey, Foued Nassah, Anthony Decadi, Nicolas Grandhomme, Vincent Rottiers, Nicolas Gonzales, Stéphan Wojtowicz, Stéphane Jobert, David Salles, Nathalie Cieutat, Manu Lanzi, Dorothée Pierson, Franck Saurel, Greg Loffredo, …
Année de production : 2009
Sortie française le 7 avril 2010


Henry de Francis Kuntz et Pascal Rémy

mars 30, 2010

Le cinéma français peut être fier du duo grolandais Benoît Délépine/Gustave Kervern, lesquels ont livré quelques films atypiques mais très drôle et mis en scène avec une véritable ambition de cinéma. Le prochain, Mammuth, sort dans quelques semaines (le 21 avril) et va permettre de mesurer l’impitoyable gouffre qui sépare le duo de leur compère Kafka (aka Francis Kuntz).

Henry est potentiellement intriguant pour cette raison même qu’il est non seulement réalisé et joué par Kafka, une des têtes incontournables du JT de Groland, mais aussi parce qu’il bénéficie d’un casting de potes très sympas et bien connus, mais qui doivent certainement avoir déjà honte de se retrouver dans ce truc.

Henry n’est jamais drôle, jamais (si) méchant non plus, qui ne manifeste aucune ambition, qui se fourvoie perpétuellement dans la moindre de ses tentatives d’amuser. Kafka seul n’a, semble t’il, aucune inspiration et rien à défendre, quand bien même le personnage d’Henry est une variation du facho qu’il incarne dans Groland.

Les comédiens qui traversent le film, dont Elise Larnicol (des Robins des bois), Bruno Lochet (des Deschiens), Gustave Kervern et Lucien Jean-Baptiste, jouent le jeu mais ne peuvent rien contre le naufrage absolu d’Henry.

Le film est minable comme son personnage et n’a aucune excuse pour attiser une quelconque indulgence. Ca n’a aucune saveur et c’est a peu près ce que l’on peut faire de pire en matière de cinéma. C’aurait surtout du rester ce que c’est depuis le début : un film de potes tourné à l’arrache un week-end d’ennui à Nancy, monté n’importe comment sur le PC du voisin, et qui n’aurait jamais du sortir du disque dur de celui-ci. Henry est de toute façon promis à l’oubli.

Benoît Thevenin


Henry – Note pour ce film : 0
Réalisé par Francis Kuntz et Pascal Rémy
Avec Francis Kuntz, Elise Larnicol, Bruno Ricci, , Lucien Jean-Baptiste, Bruno Lochet, Gustave Kervern, Frankye Pain, Nitsa Benchetrit, Paulette Frantz, Philippe Cura, …
Année de production : 2009
Sortie française le 31 mars 2010

Francis Kuntz


Alex Beaupain, un concert de cinéma @l’Alhambra, Paris, 25/03/2010

mars 27, 2010

Alex Beaupain a lié son destin à celui de Christophe Honoré, signant les bandes-originales de chacun de ses longs-métrages. Et si la musique occupe une place centrale dans ces films, qui comportent pour la plupart des scènes chantées, il en est un en particulier qui est une authentique comédie musicale. « Les Chansons d’amour » a logiquement constitué le fil rouge d’une soirée chic et plaisante, rendue exceptionnelle grâce aux prestigieux invités qui se sont succédés sur la scène…

La salle de l’Alhambra ressemble à une salle de cinéma. Des sièges rouges relativement confortables font face à la scène. Le cadre est plutôt intime. Quand les lumières s’éteignent pour la première fois, une femme rentre dans le faisceau des projecteurs et nous annonce qu’elle n’est pas Alex Beaupain. Ah ? Elle est Céline Ollivier, chanteuse simple, sans orchestre, avec juste une guitare acoustique et sa voix douce, qui d’emblée nous raconte Le Flore et Le Jardin du Luxembourg… Le passage n’est vraiment pas inoubliable…

Cette mise en scène minimaliste, on la retrouve dès la première chanson d’Alex Beaupain. L’artiste nous apparait caché derrière son piano et introduit son concert avec Brooklyn Bridge, l’un des titres des Chansons d’amour. Le public applaudit chaleureusement, Alex se lève et  présente non sans humour et en les couvrant d’éloges les musiciens qui l’accompagneront : Armel Dupas au Piano (« dix ans de moins mais dix doigts de plus »), Christophe Cravero au violon, Valentine Duteil au violoncelle et Jean-Baptiste Julien à la guitare pour « souiller merveilleusement » ses chansons.

La suivante, c’est La Distance, une chanson d’amour chantée en solo, mais avec un orchestre qui donne tout de suite de l’ampleur au spectacle. Le répertoire d’Alex Beaupain comporte quelques chansons en anglais. L’artiste s’amuse de ses limites dans l’exercice de la langue de Shakespeare et à la bonne idée de faire venir sur scène son premier invité pour interpréter Pretty Killer, chanson qui accompagne une danse lascive entre Romain Duris et Béatrice Dalle dans 17 fois Cécile Cassard. Diastème, qui est notamment le réalisateur du Bruit des gens autour, dissimule son regard derrière des lunettes noires et pose sa voix de crooner, sauvant le morceaux tant Alex Beaupain n’est effectivement pas à l’aise avec son accent anglais.

Après Delta, Charlie, Delta, Alex accueille sur scène Frédéric Lo, arrangeur sur la B.O des Chansons d’amour, lequel par sa dégaine et parce que ses yeux cachés lui aussi par des lunettes noires, fait penser un court instant à Philippe Manoeuvre. Le duo interprète un titre initialement chanté par Chiara Mastroianni dans LCA, Au parc.

Même s’il a principalement travaillé avec Christophe Honoré, Alex Beaupain a aussi prêté ses services à d’autres cinéastes. La chanson suivante, en anglais, est chantée avec la reine des pommes Valérie Donzelli, héroïne de La Belle vie, un téléfilm de Virginie Wagon réalisé pour Arte en 2008 et pour lequel Alex a donc collaboré.

Retour à l’univers de Christophe Honoré. Dans Dans Paris, Romain Duris et Joanna Preiss se déchirent Avant la haine dans une séquence « téléphonée» et chantée, peut-être la plus belle scène du film. Joanna Preiss, en tournage à New-York nous dit-on, n’est donc pas là pour partager  le moment sur scène avec Alex Beaupain, bien que l’on puisse oser imaginer que Joanna chante à distance, comme dans le film, via visioconférence ou par téléphone… Bon, il est peu probable que cela aurait donné quelque chose d’intéressant, bien sûr. Alex a donc convoqué logiquement une autre actrice de Dans Paris, Alice Butaud, affublée d’un imperméable qui cachait sa belle robe noire (même plus sûr qu’il s’agissait d’une robe d’ailleurs). Alice reste sur scène pour La Bastille, qui est une des Chansons d’amour, dans un film dans lequel elle joue aussi.

La Grande Sophie succède à Alice Butaud pour Cambodia, la chanson de Kim Wilde utilisée par Chrisophe Honoré dans une scène de Dans Paris. C’est le dernier titre en anglais pour Alex Beaupain, toujours aussi peu à l’aise dans cet exercice mais qui s’en sort par la dérision et l’humour avec beaucoup de sympathie. Sophie Huriaux est elle la première à pousser un peu la voix pour une version de la chanson plus symphonique que rock, mais qui fonctionne parfaitement.

Alex Beaupain file en coulisse et cède sa place le temps d’un morceau à Armel Dupas, son pianiste qui a largement contribué à la bande-originale de Dans Paris et à qui il rend de cette manière un hommage un peu plus appuyé. Armel Dupas est seulement accompagné par violon et violoncelle pour La Chanson d’Alice, un des titres de Dans Paris, pour deux minutes sans parole ou l’ont est joliment bercé.

Alex Beaupain revient et appelle Clotilde Hesme à Se taire, soit le titre d’une des Chansons d’amour. La belle actrice est bientôt rejointe par deux autres, la prometteuse Anaïs Demoustier (croisée dans La Belle Personne) et la très applaudie Emmanuelle Devos, apparemment peu rassurée à l’idée de chanter en public. Les trois font partie de la distribution d’Angelo, tyran de Padoue, une pièce de Victor Hugo mise en scène par Christophe Honoré et jouée lors du festival d’Avignon 2009. Malgré son appréhension perceptible, Emmanuelle Devos s’en sort très bien, pour un couplet seulement. Mais l’actrice récemment Césarisée pour son rôle dans A l’origine reste auprès d’Alex Beaupain pour un duo intitulé Si vous n’avez rien à me dire, également tiré de la mise en scène de la pièce d’Hugo par Honoré. Elle parvient à se libérer.

Retour au cinéma de Christophe Honoré avec La Belle Personne et Comme la pluie, qui permet à Grégoire Leprince-Ringuet de rejoindre la scène pour un trio avec Clotilde Hesme et Alex Beaupain. Et si Grégoire Leprince-Ringuet est très applaudit à son arrivée, c’est encore en deçà de l’accueil qui sera réservé par ces demoiselles à Louis Garrel, flegmatique et qui interprète en duo avec Grégoire La Beauté du geste. Les applaudissements sont encore plus fournis à l’issue de la chanson.

Louis Garrel est ensuite seul pour Ma Mémoire sale, une autre chanson d’amour, comme la précédente d’ailleurs. Comme la précédente, et comme la suivante, puisque Clotilde Hesme revient pour Je n’aime que toi. Ludivine Sagnier n’étant pas là, Alex Beaupain se charge de chanter sa partie, ce qui ne manque pas d’amuser Louis Garrel lorsqu’il traite Alex de « petite garce » en le regardant dans les yeux.

Une courte pose en guise de rappel et Alex Beaupain revient seul pour Les yeux au ciel, peut-être le plus beau morceau des Chansons d’amour. Quelques remerciements plus tard et Alex Beaupain enchaine avec une belle version d’India Song, chanson empruntée au film éponyme de Marguerite Duras.

Alex Beaupain termine seul avec Pourquoi viens tu si tard ? L’ensemble des invités revient ensuite sur scène pour un dernier salut. La soirée aura vraiment été douce et agréable, mélancolique et chaleureuse. Et le public a manifestement été conquis.

Benoît Thevenin

PS : C’est là la première chronique musicale sur Laterna Magica. Je compte enrichir la toute nouvelle rubrique Musique, qui sera toujours en lien avec le cinéma. C’est un exercice auquel je me prête encore difficilement. N’hésitez pas à me faire part de vos remarques si vous en avez.


Alex Beaupain, Un Concert de cinéma
Date : jeudi 25 mars 2010
Lieu : L’Alhambra, Paris
Musiciens : Armel Dupas (Piano ), Christophe Cravero (violon), Valentine Duteil (violoncelle),Jean-Baptiste Julien (guitare).
Invités : Diastème, Frédéric Lo, Valérie Donzelli, Alice Butaud, Sophie Huriaux, Clotilde Hesme, Anaïs Demoustier, Emmanuelle Devos, Grégoire Leprince-Ringuet, Louis Garrel, …
Première partie : Céline Ollivier


Judge (Tou xi) de Liu Jie (Chine)

mars 20, 2010


Deauville Asia 2010/Lotus d’or

Lauréat logique du Lotus d’or, Judge est le second long-métrage de Liu Jie après Le Dernier voyage du juge Feng, primé à la section Orizzonti de la mostra de Venise en 2006 et sorti en France en 2007. Le cinéaste chinois, ancien directeur de la photographie de Wang Xiaoshuai, notamment sur Beijing Bicycle, poursuit son exploration d’un système judiciaire chinois en pleine mutation.

Dans Le Dernier voyage du juge Feng, Liu Jie proposait de découvrir un tribunal ambulant en train de sillonner une Chine rurale marginalisée par rapport au pouvoir central. Le cinéaste démontrait une double problématique : la difficulté de faire coïncider les codes traditionnels de micro-sociétés autonomes avec la rigueur des règles judiciaires imposées depuis Pekin ; mais aussi le caractère fatigué d’une justice à bout de souffle.

Cette fois Liu Jie vient à la ville, même si toujours loin du pouvoir central dans une cité du nord du pays, et place le curseur à l’année 1997, un moment charnière.

L’histoire est celle de Qiu Wu, un jeune homme condamné à mort pour avoir volé deux voitures. Au moment de son arrestation, la loi en vigueur veut, dans le cas de vols, que la justice gradue ses sanctions en fonctions de la valeur financière des préjudices infligés, d’ou la sévérité impitoyable requise contre Qiu Wu. Le jeune délinquant est confronté à un juge affecté par la mort de sa fille dans un accident de voiture. Le destin de Qiu Wu est aussi bientôt lié à celui d’un PDG malade, en attente de la greffe d’un rein que Qiu Wu pourrait lui offrir.
Le film n’évoque alors pas que le seul sujet d’un système judiciaire archaïque, mais aussi celui délicat du prélèvement d’organes. Le cinéma chinois se fait une spécialité de la juxtaposition de ce genre de sujets, avec parfois une tentation pour le pathos qui n’est pas toujours évitée. Liu Jie le réussit lui, réussissant un film qui ne cherche pas spécialement à émouvoir, qui n’exerce en tout cas aucun chantage à l’émotion, mais qui accompagne chacun de ces trois personnages avec un profond respect des situations qui les fragilisent et/ou les condamne.

Judge s’inscrit dans un moment charnière car la condamnation à mort de Qiu Wu est prononcée à un moment ou les lois chinoises évoluent dans le bon sens, dans une meilleure prise en compte de l’humain, ce qui peut sauver le jeune voyou de l’exécution. Liu Jie évoque ainsi une société chinoise en plein mouvement, soucieuse de ne jamais perdre la face, pragmatique mais quand attachée au respect strict des règles.

Le film est passionnant, subtil, et mis en scène avec une grande maîtrise. Liu Jie confirme le bien que l’on pensait déjà de lui après son premier long-métrage. Le Lotus d’or qui lui a été attribué à Deauville des mains de Pascal Bonitzer, le président du jury, est non seulement légitime mais aussi tout à fait logique étant donné la qualité des autres films de la compétition.

Benoît Thevenin

Filmographie de Liu Jie :

1993 : The Days de Wang Xiaoshuai (directeur photo)
2001 : Beijing Bicycle de Wang Xiaoshuai (directeur photo)
2006 : Le Dernier voyage du juge Feng
2009 : Judge


Judge – Note pour ce film :

Réalisé par Liu Jie
Avec Ni Dahong, Mei Ting, Qi Dao, Zheng Zheng, Song Yingchun, Gao Qunshu, …
Année de production : 2009


Palmarès du 12e Festival du film asiatique de Deauville

mars 14, 2010

Sans revenir en détail maintenant sur les films présentés au cours du festival, voici le verdict du 12 e festival de Deauville Asia

Le jury présidé par le cinéaste français Pascal Bonitzer, a décerné ce soir le Lotus d’or au film chinois Judge de Liu Jie. Deauville consacre un réalisateur prometteur, lauréat du prix Premiers Horizons à Venise en 2006 pour son précédent film, Le Dernier voyage du juge Feng.

Le palmarès ne manque pas d’étonner par ailleurs. Le prix de la critique a été attribué à My Daughter, premier film malaisien qui est très certainement le plus faible des 9 films sélectionnés en compétition…

The Sword with no name remporte lui le prix Action Asia, sans avoir convaincu non plus.

Le festival baisse le rideau pour cette année, mais nous allons continuer d’en parler sur Laterna Magica. Dans les prochains jours, nous reviendrons plus en détail sur l’ensemble des films découverts à Deauville. Stay tuned 😉


Lotus d’or – Grand Prix :


Lotus du jury – Prix du jury (Ex-aequo)
:

Prix de la critique :

Lotus Action asia – Grand Prix Action Asia :

  • The sword with no name (Bulggotcheoreom Nabicheoreom) de Kim Yong-kyun (Corée du sud)

L’Absence de Cyril de Gasperis

mars 12, 2010

Le premier film de Cyril de Gasperis est autant fragile qu’il sera peu découvert par le public. On peut tout de même saluer la démarche courageuse du neo cinéaste, lequel s’attaque à un sujet lourd, qui n’intéresse généralement pas le cinéma, dont on peut se douter qu’il est très personnel à l’auteur. La sincérité de Cyril de Gasperis ne risque en tout cas pas d’être remise en cause mais, au-delà ce premier constat, le cinéaste réussit un film touchant qui évite soigneusement tous les travers dans lesquels il aurait facilement pu se vautrer.

L’Absence fait le portrait d’une femme d’une soixantaine d’année victime de la maladie d’Alzheimer, chouchoutée par son mari et deux employées à la personne qui prennent soin d’elle. Le mari disparait un jour sans laisser de traces et laisse son épouse à la bienveillance des deux jeunes femmes, l’une encore inexpérimentée et très touchée par la femme dont elle s’occupe, l’autre qui a déjà tout vu et se révèle bien plus pragmatique.

Le film évoque la maladie avec beaucoup de respect et de pudeur, sans jamais verser dans le pathos, et en brassant un certain nombre de problématiques. Le cinéaste montre a quel point la maladie peut être cruelle pour les proches, injustes à différents niveau pour ceux qui accompagnent la malade ou injuste pour la malade elle-même.

Réaliser avec beaucoup de soin, essentiellement dans le huis-clos de la chambre de la malade, L’Absence est aussi très bien porté par l’ensemble de ses comédiens, Liliane Rovière en tête, mais aussi Cécile Coustillac et Jocelyne Desverchere dans les rôles des employées à la personne, Jean-Baptiste Malartre pour le mari etc.

Un tout petit film (y compris par sa durée, 1h11) qui n’aura pas eu la faveur des médias, qui aura été exploité dans l’anonymat le plus total (une seule copie parisienne en première semaine) et qui trouvera difficilement l’accès à une seconde chance sur d’autres marchés (vidéo, télé). Si l’opportunité de voir ce film s’offre à vous, offrez lui vite la chance et l’intérêt qu’il mérite…

Benoît Thevenin


L’Absence – Note pour ce film :
Réalisé par Cyril de Gasperis
Avec Liliane Rovère, Cécile Coustillac, Jocelyne Desverchere, Jean-Baptiste Malartre, Adrien de Van, …
Année de production : 2009
Sortie française le 10 mars 2010